Cap sur l’électrification des procédés dans l’industrie
Pour cette table-ronde animée par Bernard Bloch, EDF avait réuni Florentin Cail (Conseiller économique filières de l’énergie et décarbonation de l’industrie à la DREETS Grand Est - Service Économique de l’État en Région), Jean-François Camus (EDF - Pilote de la démarche électrification des usages en Grand Est), Nicolas Beyer (Co-gérant de Beyer SAS, le plus ancien confiturier français), Hervé Schmidt (EDF - Directeur Développement Grand Est) et Gaëlla Haller (Déléguée Alsace de l’ATEE Grand Est)
Bernard Bloch ouvre la séance en rappelant l’objectif : explorer les enjeux et les solutions concrètes pour la décarbonation de l’industrie par l’électrification des procédés. Il souligne l’importance de ce sujet pour atteindre la neutralité carbone et présente les intervenants, chacun apportant un angle complémentaire : l’État et la Région avec ses dispositifs d’accompagnement et objectifs stratégiques ; EDF avec sa vision énergétique, ses opportunités et ses solutions techniques ; L’ATEE (Association Technique Energie Environnement) avec ses actions d’accompagnement, de formation et les programmes qu’elle anime comme Pacte Industrie ; Beyer SAS avec son retour d’expérience d’une PME agroalimentaire historique engagée dans les transitions numériques et énergétiques.
Les enjeux de la décarbonation
Florentin Cail rappelle les ambitions nationales et régionales et les actions-clés menées en région.
- Neutralité climatique en 2050, avec un jalon à –50 % d’émissions de GES en 2030 par rapport à 1990.
- L’industrie représente 20 % des émissions nationales, et 26 % en Grand Est.
- Suivi des 29 sites industriels les plus émetteurs (Top 140 national).
- Accompagnement de 90 sites soumis au système européen de quotas.
Pour relever ce défi, la DREETS mobilise de nombreux acteurs (État, Région, ADEME, ATMO, agences de développement) et s’appuie sur deux leviers prioritaires, la sobriété et l’efficacité énergétique d’une part, l’électrification des procédés, en s’appuyant sur le mix électrique français bas carbone d’autre part.
Florentin insiste sur trois enjeux : Orienter les industriels vers les bons dispositifs de financement (France Relance, France 2030), 5,5 milliards d’euros étant mobilisés ; Recenser et agréger les projets pour ajuster les politiques publiques ; Anticiper les besoins en ressources énergétiques et physiques pour garantir la cohérence territoriale.
Pourquoi électrifier ?
Jean-François Camus expose d’abord les atouts de l’électricité en France : une électricité bas carbone (21,6 g CO₂/kWh (grâce au nucléaire, hydraulique et renouvelables), sa disponibilité (exportation de 4 TWh en 2024, soit la consommation de la Belgique) et des prix revenus à des niveaux pré-crise, favorisant les investissements.
S’appuyant sur des études récentes, Jean-François partage les potentiels.
- +10 TWh d’électricité pour l’industrie en Grand Est d’ici 2035.
- 150 TWh au niveau national pour tous les secteurs.
- Les secteurs prioritaires : chimie, agroalimentaire, métallurgie, verre, papier.
- Les procédés concernés : chaudières vapeur, fours, pompes à chaleur haute température (jusqu’à 150 °C), systèmes résistifs.
Jean-François rappelle qu’EDF met en place des centres d’expertise pour accompagner la filière et garantir des conversions fiables et performantes.
Directeur du développement d’EDF dans le Grand Est, Hervé Schmidt insiste sur la richesse des solutions disponibles.
- La récupération de chaleur fatale : les pompes à chaleur (PAC) et la compression mécanique de vapeur (CMV) peuvent valoriser la chaleur issue des rejets de process (fumées, eaux tièdes) et la recycler à température utile. Citons par exemple
- Le séchage industriel (pour le papier, le bois, les aliments, les matériaux de construction...), où les PAC sont de plus en plus utilisées, notamment pour leur efficacité énergétique.
- La concentration de liquides (lait, lactosérum, effluents liquides...), notamment grâce à la CMV
- Le chauffage des produits dans les fours industriels : les résistances, l'induction, le chauffage ohmique, l'infrarouge...
- La production de vapeur décarbonée avec des chaudières électriques permettant de jouer sur la flexibilité, en ajoutant éventuellement un stockage thermique.
- La production d'hydrogène à des fins industrielles (chimie, sidérurgie, engrais...) peut être assurée par des électrolyseurs alimentés en électricité bas carbone
EDF propose un audit complet (“Traversée d’usine”) pour identifier les leviers de décarbonation et accompagne les clients jusqu’à la mise en œuvre, en intégrant les dispositifs financiers (CEE, audits réglementaires).
Engager les industriels dans la décarbonation via la stratégie, le financement et la formation.
Déléguée Alsace de l’ATEE Grand Est, Gaëlla présente les dispositifs pour accompagner les industriels dans la décarbonation. Elle développe notamment le programme Pacte Industrie que l’ATEE déploie avec l’ADEME. « Nous portons un budget de 40 M€, via le dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie, pour engager les industriels dans la démarche de décarbonation. Et l’électrification des usages est l’un des grands leviers de la décarbonation.
Nous nous appuyons essentiellement sur trois volets : des études stratégiques pour définir un mix énergétique optimal ; des financements pour réduire le reste à charge, et des formations pour les référents énergie (MOOC, présentiel, accompagnement personnalisé). Nous animons d’ailleurs un club des référents énergie en Grand Est pour favoriser les échanges de bonnes pratiques. »
Les défis relevés par Beyer SAS, le plus ancien confiturier français
Nicolas Beyer est l’un des co-gérants de Beyer SAS. Il raconte l’histoire de Beyer, confiturier familial depuis 5 générations.
Optimiser les procédés, rester compétitif, préserver le savoir-faire artisanal… Les défis auxquels Beyer est confronté sont nombreux, d’autant que la crise énergétique de 2021 à multipliés ses coûts par 4, d’où la nécessité pour Beyer d’anticiper et sécuriser ses contrats. « Nous avons investis dans l’électrification de nos procédés. Nous avons aussi signé des contrats EDF à moyen/long terme pour garantir stabilité et transparence. Cela nous permet de nous consacrer à notre vrai métier. »
« Il existe deux types d'investissement à l'échelle industrielle, explique Nicolas. Celui qui va remplacer les emplois, et celui qui améliore la qualité de vie du salarié ou la qualité de travail. C'est un choix chez nous de ne pas remplacer les travailleurs, parce que le savoir-faire ne se situe pas juste dans les machines, c'est l'entretien, c'est en prendre soin. Aujourd'hui, la qualité du produit, elle est dans le savoir-faire et la gestion de la ligne de production en permanence. On travaille un produit vivant. Le but n'est pas de remplacer les emplois, c'est vraiment d'améliorer leurs conditions de travail. Et aujourd'hui l'électrification, elle sert à ça. »
Nicolas Beyer explique comment il a su mobiliser ses collaborateurs. « Nous sommes une petite entreprise. On a une trentaine de personnes aujourd'hui. Tous nos salariés ont bénéficié de sensibilisations sur l'utilisation et l'optimisation énergétique pour répondre à nos défis. »
Son message aux industriels ? « Il faut agir maintenant pour l’électrification. Les dispositifs existent, profitons-en. »
La réussite passe par la coopération
En conclusion, les intervenants s’accordent sur un point : la réussite passe par la coopération entre industriels, énergéticiens, associations et pouvoirs publics. Florentin Cail insiste : « Le dialogue et l’anticipation sont essentiels. »
Co-organisateur de cette table-ronde, Jean-François Camus : « L’électrification des procédés industriels est un enjeu vital et nécessite une mobilisation collective. » Son collègue d’EDF conclut en indiquant un lien direct pour contacter EDF et accéder aux offres d’accompagnement.